dimanche 29 mars 2009

Discours de Sarkozy devant le Parlement et le Sénat de la RDC

Messieurs les Présidents,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Et si vous me le permettez, Chers amis,
L’Histoire est jalonnée de périodes charnières où d’immenses bouleversements ont mis les hommes à l’épreuve. Par faiblesse, les hommes parfois se résignent à leurs malheurs et surtout à leurs démons.Mais chaque fois que les hommes sont convaincus qu’en renonçant ils se condamnent, alors ils trouvent la force de changer leur destin et de construire un avenir meilleur.
Le monde vit aujourd’hui l’une de ces périodes charnières. Nous ne pourrons plus demain refaire ce que nous avons fait hier. Et si l’on ne veut plus souffrir des ravages de la crise économique actuelle, nous devons changer les règles, changer les règles du capitalisme mondial.Si nous voulons écarter la menace du réchauffement climatique qui pèse sur notre avenir, nous devons changer radicalement nos habitudes. Et si nous voulons que les exploités d’aujourd’hui se libèrent demain de leurs chaînes, nous n’avons pas d’autre choix que de bâtir un monde plus juste.
Le monde est à une époque charnière, l’Afrique aussi se trouve à un tournant. L’Afrique, n’est pas un continent à part, détaché des autres, enfermé dans je ne sais quel isolement. L’Afrique doit battre au même rythme que le reste du monde. Et le coeur de l’Afrique, il bat ici, en République démocratique du Congo !Et le Congo, plus encore que les autres Nations d’Afrique, a rendez-vous avec son destin. J’ai bien conscience de la gravité du moment. Et je suis convaincu qu’aujourd’hui, dans cette région d’Afrique centrale, l’heure est venue d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de votre pays.
Mesdames et Messieurs, c’est donc avec une grande émotion et surtout un profond respect que je m’adresse aux Représentants de la Nation congolaise. Je ne vous cacherai pas que c’est pour moi un très grand plaisir. Car je ne suis pas venu saluer un pays comme les autres. Je suis venu saluer un pays que la France porte dans son coeur. Je suis venu saluer un géant, la République Démocratique du Congo !Votre Nation a longtemps été privée de son droit sacré à décider par elle-même, et pour elle-même.
Votre histoire fut celle de la colonisation, avec son cortège d’humiliations et de douleurs. Soumis au joug colonial, vous ne pouviez être maîtres de votre destin.Alors vint la lutte pour l’indépendance, dont vous célébrerez l’année prochaine le 50ème anniversaire. Il y eut des combats violents. Ils firent un martyr, Patrice Lumumba. Vous pensiez alors tenir les rênes de votre avenir.Et ce fut un régime baroque, autoritaire qui les prit. Il faut dire aussi qu’à la faveur, fût-ce pour un temps, d’une économie prospère, il forgea dans le coeur des Zaïrois la conviction qu’ils pouvaient s’élever vers les sommets.Pour autant, le jeu des grandes puissances fit très vite du Zaïre un pion sur l’échiquier de la Guerre Froide. Ce n’était pas votre communauté que vous serviez, mais les puissances étrangères qui se servaient de vous dans le combat entre les deux blocs. Et à nouveau, vos intérêts passaient après, bien après, ceux des autres.
Puis la région sombra dans les ténèbres. Les ténèbres de l’innommable génocide rwandais. Dix longues années de guerres injustes et d’agressions étrangères que nourrissaient des appétits féroces et des haines profondes.Une fois encore, votre Nation semblait malade de l’étranger. Mais il est vrai de dire aussi que des maux intérieurs rongeaient votre Nation, la division entre Congolais, le pillage intérieur, la gabegie. Comme si une immense paralysie l’avait saisi, le Congo ne savait plus réagir.
Les Congolais ont trop souffert et nous ne pouvons plus l’accepter.Votre souveraineté ne peut plus être bafouée, comme elle a été bafouée trop souvent dans le passé. Vos richesses ne peuvent plus être exploitées dans la plus grande illégalité et la division ne doit plus vous opposer. Alors, si l’on refuse le confort du renoncement, il n’y a pas de fatalité. L’heure du Congo doit sonner. Ce doit être l’heure de la réconciliation, l’heure de la reconstruction, l’heure de la renaissance congolaise !La France l’espère, la France l’attend. Elle ne dépend que de vous. Patrice Lumumba l’a dit : « tu feras du Congo une nation libre et heureuse, au centre de cette gigantesque Afrique Noire ».
La force du Congo, c’est son âme et l’âme du Congo, c’est son patriotisme.Quel autre pays présente une telle diversité ethnique, une telle mosaïque de communautés, une telle richesse de cultures et de traditions ? Votre dimension est continentale, c’est une immensité qui fait que chez vous, les hommes vivent éloignés les uns des autres ?Pourtant, en dépit de vos différences, vous êtes unis par le sentiment d’appartenir à une même Nation. A Kisangani, à Goma, à Lubumbashi, du nord au sud, d’est en ouest, vous partagez tous le même amour de votre Patrie. Mais posons-nous la question : cela veut dire quoi, aimer sa Patrie ?
Certains disent que c’est le repli sur soi parce que c’est le meilleur moyen de se protéger. Et certains pensent que l’étranger est le seul responsable de tous leurs maux. Et ils prétendent que pour défendre les intérêts de la Nation, il faut dénoncer les intentions cachées de l’étranger, nécessairement malveillant. Ceux qui disent cela croient servir leur pays. Ils ont tort.Quand on aime sa Patrie, on ne peut que s’ouvrir à l’Autre parce qu’on sait qui on est. Et toute votre histoire démontre que vous êtes un peuple généreux, une terre d’asile et une terre d’accueil. C’est l’histoire de votre pays, c’est l’identité de votre pays. Eh bien ce patriotisme là est une force.
Quand on aime sa Patrie, on est convaincu que l’on doit être le premier acteur de son Histoire. Et quand on aime sa Patrie, on se pose constamment cette question : suis-je en train de servir les intérêts de mon pays ? Et c’est d’autant plus important que vous êtes le géant au coeur de l’Afrique, vous pouvez changer votre pays mais vous devez changer la face de la région toute entière.
La vocation du Congo, je le dis en amis fidèle, n’est pas d’être le maillon faible de l’Afrique centrale ; la vocation du Congo c’est d’être la colonne vertébrale de l’Afrique centrale. La vocation de votre pays n’est pas d’être la source des crises de la région, mais la puissance qui garantit la stabilité de la région.Vous n’avez pas vocation à être un pôle de sous-développement, vous avez vocation à être la locomotive de toute l’économie régionale, Vous n’avez pas vocation à être le grand absent du concert des Nations, vous avez vocation à être un acteur de poids en Afrique, à l’ONU, à l’OMC et dans la Francophonie.
Le Congo doit répondre à toutes les espérances que nous portons en vous !Je ne suis certainement pas venu vous dire ce qu’il faut faire. J’ai d’ailleurs moi-même bien du travail en France ! Je suis venu m’adresser à vous, d’Etat à Etat. L’intérêt de la France, c’est un Congo fort, un Congo uni, un Congo debout. La faiblesse du Congo veut dire l’instabilité de l’Afrique. Et l’instabilité de l’Afrique veut dire l’insécurité de l’Europe. Nos destins sont liés. Vous devez réussir, notre devoir est de vous aider à réussir.
Alors, je n’ignore pas, bien sûr, l’ampleur des obstacles, la puissance des intérêts égoïstes et le prix des sacrifices à payer.Le Général de Gaulle était lumineux lorsqu’il affirmait : « les exigences d’un grand peuple sont à l’échelle de ses malheurs ». Si les Congolais se réconcilient, Si les Congolais dégagent un consensus solide, Si chacun assume sans faux-semblant les responsabilités qui lui incombent, Si chacun privilégie le collectif sur l’individuel, Si tous les dirigeants font preuve de leadership pour s’engager dans l’action, Alors les Congolais pourront s’élever vers les hauteurs de leur horizon commun!Cet horizon, c’est d’abord la consolidation de votre jeune démocratie. Et je tiens à rendre hommage aux institutions élues de votre IIIème République.
Je veux rendre hommage au Président Joseph KABILA. Au terme de la transition démocratique, il a su vous conduire à des élections réussies. Je veux rendre hommage aux Parlements provinciaux, où se dessine l’avenir d’un Congo décentralisé ; Et bien sûr à vous, le Parlement, à vous qui représentez le peuple. La rigueur et la vitalité qui animent vos travaux vous honorent. Vous êtes le poumon de la démocratie congolaise. C’est ici qu’elle respire et qu’elle doit continuer de respirer.
Il y a trois ans à peine, vous avez fait le pari de la démocratie. Ce pari a été réussi. Une graine prometteuse a été semée. Mais parce qu’elle est jeune, votre démocratie reste fragile. Elle doit s’enraciner durablement. Je sais aussi que la construction de vos institutions reste inachevée. Il y aura des élections locales qui doivent se tenir dans des délais raisonnables.Mais la démocratie ne se résume pas aux élections. Pour nous qui sommes les élus du peuple, vous comme moi, nous avons le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous ont fait confiance. Ils nous ont donné une obligation de résultats. Les résultats, c’est un Etat de droit qui protège les libertés individuelles, une administration au service de l’intérêt général, une justice, comme vous l’avez dit, efficace et indépendante. Mais c’est un état d’esprit. Une capacité à écouter et à respecter les autres.Et croyez bien, Monsieur le Président, Cher ami, nous en avons tout autant besoin en France, écouter et respecter les autres, reconnaître que l’on peut avoir tort, dialoguer en permanence. La démocratie, c’est une lourde exigence. Mais qui peut penser que la démocratie se fait en un jour ?Vous avez choisi d’emprunter ce chemin difficile, je suis venu vous dire que vous pourrez toujours compter sur la France. Car pour nous, il n’y a qu’une seule voie pour votre pays : un peuple libre, un peuple souverain, une nation respectée et indépendante.Votre horizon, c’est celui d’une puissance économique.
C’est peu de dire que la nature vous a gâtés. Les richesses abondent sous vos pieds. Vos terres sont si fertiles que je ne connais rien qui ne puisse y pousser. Vos fleuves sont si puissants qu’ils concentrent une ressource d’énergie immense, inépuisable. Le barrage d’Inga, à lui-seul pourrait éclairer l’ensemble du continent africain !En plus d’une nature opulente, vous disposez d’un autre capital précieux : les femmes et les hommes de la nation congolaise, votre peuple, sa jeunesse, son dynamisme. Il n’y a pas à s’étonner que Kinshasa soit la capitale africaine de la culture......

samedi 7 mars 2009

Vital Kamerhe, Président de l'Assemblée Nationale, forcé de démissionner! Pourquoi?

Les passions montent en République démocratique du Congo, à mesure que s’amenuise le délai prévu pour la fin des «opérations conjointes» menées par l’armée congolaise avec des troupes envoyées par les pays voisins, le Rwanda et l’Ouganda. Ces opérations, déployées au Nord de la Province Orientale pour traquer les rebelles de l’Armée de libération du Seigneur (LRA) et dans la province du Nord Kivu, pour obliger les combattants hutus des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda à rendre les armes suscitent des bilans controversés.La mission des Nations unies au Congo a déclaré que 3500 Rwandais avaient déjà été ramenés chez eux et à Kinshasa, l’ambassade des Etats Unis (qui avait fortement encouragé ces opérations militaires) a déjà parlé de réel succès.
Sur le terrain, si la coalition a annoncé avoir démantelé une place forte des FDLR dans le Masisi, il apparaît que les candidats au rapatriement vers le Rwanda sont surtout des femmes et des enfants et que les hommes, des combattants endurcis, choisissent de s’enfoncer plus avant dans la forêt congolaise. Cette fragmentation explique les craintes exprimées par la MONUC, qui redoute que ces hommes, acculés et désespérés, se vengent sur les populations civiles.Cependant, le chef d’état major de l’opération, le général John Numbi, a déclaré que 95% des objectifs avaient été atteints et que tous les état majors des FDLR avaient été détruits à tous les échelons. Du côté ougandais, le bilan est comparable: selon certaines sources la LRA serait démantelée, mais selon d’autres, elle se serait fragmentée en petits groupes de combattants, qui auraient commis de terribles massacres contre les civils (Human Rights Watch a cité le chiffre de 865 morts).
Si l’incertitude persiste sur le plan militaire, les enjeux politiques sont tout aussi brûlants. L’opinion congolaise redoute en effet que les troupes du Rwanda et de l’Ouganda ne prolongent leur présence au delà de la date prévue, transformant la coopération militaire d’aujourd’hui en occupation de fait des zones frontalières. Les évèques congolais, relayant l’inquiétude générale, ont souligné que l’opinion ne souhaitait pas une prolongation de la présence de ces armées tandis qu’une pétition circule parmi les parlementaires exigeant la tenue d’une session extraordinaire de l’Assemblée.
L’opération conjointe menée avec l’armée rwandaise risque de faire une victime de poids, mais à Kinshasa cette fois: Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale, pourrait être poussé à la démission. Cet allié de la première heure du président Kabila, animateur de la majorité présidentielle, avait pris ces derniers temps plusieurs initiatives politiques comme l’ouverture d’un dialogue avec le général rebelle Laurent Nkunda qui exigeait sa présence aux pourparlers de Nairobi et, au nom de l’Assemblée nationale, il avait rédigé un plan de sortie de crise. Toutes ces propositions ayant été balayées par la soudaine alliance conclue au sommet entre Kabila et Kagame, Kamerhe, aussi frustré qu’inquiet, a confié ses doutes à la presse et incité les députés du Sud Kivu à exprimer leur défiance.Le président de l’Assemblée, absent du pays en ce moment, risque de payer très cher une fronde qui visait directement le chef de l’Etat.Mais si les armées étrangères jouent les prolongations, l’opinion basculera de son côté…

Effet Obama dans la Regions des Grands Lacs d'Afrique, selon Colette Breackman

Avec effusion, des officiers congolais prennent congé de James Kabarebe, le chef d’état major rwandais, hier encore considéré comme l’ennemi numero un. Des journalistes rwandais invités à Goma fraternisent avec leurs collègues congolais. Les deux pays vont échanger des ambassadeurs, normaliser leurs relations. Et surtout, le Rwanda garde en détention Laurent Nkunda, séquestré dans une résidence de Gisenyi, tandis que les Congolais assurent aux combattants hutus qui campent sur leur territoire depuis quinze ans que « le temps de l’hospitalité est terminé » et qu’ils sont bien résolus à les forcer au retour. Même si les opérations ne sont pas terminées, 1300 combattants et 4000 civils ont déjà été rapatriés au Rwanda et chaque jour le HCR enregistre de nouveaux candidats au retour.
Ce virage à 180 degrés, qui permet enfin d’espérer le retour de la paix dans les Grands Lacs, n’a pas fini de surprendre les Européens et il passera peut –être à l’histoire comme le premier succès diplomatique de Barack Obama.En juillet 2008, les signes annonciateurs d’une nouvelle guerre se multiplient : les hommes de Nkunda se sont retirés du processus de paix, à Kinshasa les Tutsis dénoncent l’exclusion dont ils seraient victimes. Une délégation de la société civile congolaise décide alors de se rendre à Washington et de tirer les leçons de l’échec patent des processus en cours : la « tripartite plus », la « facilitation internationale », la conférence sur la sécurité dans la région des Grands Lacs…Prenant la température politique des Etats Unis, où les chances de succès d’Obama augmentent, les Congolais prennent alors contact avec le staff du candidat démocrate.
Bientôt rejoints par Mgr Maroy, l’archevèque de Bukavu, ils s’entretiennent longuement avec un certain Emmanuel Rahm, qui deviendra chef de campagne puis directeur de cabinet d’Obama, avec John Swain, ancien conseiller politique à l’Ambassade US de Kinshasa, chargé des affaires africaines au Département d’Etat, avec un représentant de l’USAID, sans oublier Howard Wolpe, ancien envoyé spécial de Bill Clinton pour les Grands Lacs. Les représentants de la société civile dénoncent les violences faites aux femmes, la reprise de la guerre qui semble imminente, ils soulignent le pillage des ressources et rappellent que le site de Walikale ne contient pas seulement du coltan, mais qu’on y trouve aussi de l’uranium tandis que la mine de Lueshe contient d’importants gisements de niobium, qu’on appelle aussi « pyrochrore ». Ils soulignent la menace que représenterait une « somalisation » de l’Est du Congo, qui pourrait tomber aux mains d’intérêts mafieux et relèvent que lors de plusieurs interviews, et notamment dans le documentaire de Patrick Forestier : « du sang dans nos portables », sorti en décembre 2007, Laurent Nkunda a déclaré « j’ai des Arabes avec moi »…Surpris, les Congolais découvrent des interlocuteurs très informés. Emmanuel Rahm leur rappelle que le sénateur Obama, qui suit de près la question déjà envoyé quatre documents au Sénat américain à propos du Congo et adressé une lettre à Condolezza Rice sur la question de la guerre et des violences sexuelles dans ce pays.Les Américains se disent très préoccupés par deux mouvements qu’ils considèrent comme terroristes, la LRA (armée de résistance du Seigneur) en Ouganda, dont les combattants sont réfugiés dans le parc de la Garamba, et les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). Les Congolais les persuadent aussi du danger que représente Nkunda.
A l’issue de ces entretiens, ils sont à leur tour convaincus d’un autre impératif : la nécessité de normaliser les relations avec le Rwanda. Ils décident de porter ce message à Kinshasa.Depuis Bruxelles, Louis Michel plaide dans le même sens, et essaie depuis longtemps de relancer la conférence économique des pays des grands lacs, mais Kigali se tourne vers l’Afrique de l’Est tandis qu’à Kinshasa la méfiance prévaut.Les réticences des Congolais sont d’autant plus vives que le 28 août, la guerre reprend. Les défaites de l’armée congolaise sont cinglantes, et le 29 octobre, Nkunda menace de s’emparer de Goma. Il en sera dissuadé par le Rwanda, non seulement parce que le président Kagame estime que le général rebelle va trop loin, mais aussi parce que les Américains interviennent. Prendre Goma signifierait d’ailleurs chasser la MONUC et marquerait l’échec cuisant de la Communauté Internationale ! Louis Michel de son côté se précipite à Kinshasa durant le week end de Toussaint, il encourage une rencontre à Nairobi le 07 novembre 2008 , entre deux hommes qui ne se sont plus parlés depuis des mois, les présidents Kagame et Kabila. En présence de plusieurs chefs d’Etat africains, les griefs sont déballés de part et d’autre.Un processus de négociation entre les autorités congolaises et le CNDP se met alors en place sous la houlette de l’ancien président du Nigeria Olusegun Obasanjo, appuyé par l’administration Bush, et par Benjamin Mkapa, l’ancien président tanzanien soutenu par l’Union africaine. Les Congolais découvrent que parmi les conseillers de ces deux hommes figurent des personnalités qui ont été impliqués dans le processus de paix au Sud Soudan, qui mènera probablement à l’indépendance de la province. Au cours des négociations, il est question de révision des frontières et d’un changement de constitution. Les exemples du Sud Soudan, de Zanzibar, voire du Kosovo sont régulièrement cités.
Le président Kabila fait savoir à ses émissaires que, s’il accepte de discuter des problèmes du Kivu, et en particulier des Tutsis, il n’est pas question de toucher à la Constitution, aux institutions de la république et encore moins aux frontières du pays.Pendant que les rounds de négociation se poursuivent à Nairobi, encouragées par les Européens, une autre diplomatie s’active dans les coulisses. Les Américains insistent, ils rappellent que depuis deux ans au moins ils ont déclaré que les seuls à pouvoir « faire le sale boulot », c’est-à-dire inciter les FDLR à quitter le Congo, ce sont les Rwandais eux-mêmes car eux seuls en ont la motivation et les moyens.
A ce même moment, rappelons que les Angolais, pressentis pour intervenir au Kivu, se défilent tandis que les Européens tergiversent et renonceront finalement à envoyer une force intermédiaire qui permettrait d’attendre les 3000 hommes qui doivent venir en renfort pour la Monuc.Plus que jamais, les Américains plaident en faveur d’ un rapprochement entre Kagame et Kabila, un langage que tient également Louis Michel.Dès le lendemain de son élection, Obama appelle les deux chefs d’Etat. Son message est clair : une solution doit être trouvée, de préférence avant son investiture. Il faut mettre fin au problème des FDLR qui empoisonne la région depuis quinze ans, il faut aussi mettre la LRA hors d’état de nuire.
Reste alors à activer une diplomatie secrète entre les deux capitales ; du côté congolais, le général John Numbi, un homme de confiance du président, est à la manœuvre et se rend plusieurs fois à Kigali, à la tête de très discrètes délégations, surtout composées de Katangais, dont Katumba Mwanke.Quant à Kagame, il envoie à Kinshasa son chef d’état major, James Kabarebe, qui s’entretient longtemps avec un Joseph Kabila qu’il connaît depuis 1996.A la surprise de Kinshasa, James, au lieu d’aborder tout de suite la question des FDLR, explique le souci que Laurent Nkunda représente pour Kigali : il mène campagne dans les camps de réfugiés congolais au Rwanda, flirte avec la francophonie, critique les anglophones du Rwanda et attire sur Kigali les foudres de plusieurs pays (Pays Bas, Norvège, Suède) qui menacent de suspendre leur coopération tandis que les Britanniques eux-mêmes exercent de sérieuses pressions.Une double décision est prise alors : entamer une opération conjointe pour provoquer le retour des combattants hutus, mais surtout neutraliser Laurent Nkunda. Un interlocuteur rwandais nous confirme « le sort d’un individu ne pèse pas devant les raisons de deux Etats. »Reste à convaincre les officiers du CNDP. Le général Bosco Ntaganda est « retourné », car une vieille rivalité oppose cet homme originaire du Masisi à Laurent Nkunda qui est de Rutshuru. James Kabarebe pèse dans la balance : il convoque l’état major du CNDP, et déclare en swahili « vous allez signer, suivre Bosco. Sinon, le jour où vous me chercherez vous ne me trouverez plus… »Chacun comprend que c’est une question de vie ou de mort et l’état major bascule.Après s’être entretenu avec James, Kabila prend une décision à hauts risques politiques : il laissera entrer l’armée rwandaise sur le sol congolais et cela avant l’investiture d’Obama. Le 19 janvier, veille de l’expiration de l’ultimatum américain, les premières unités de l’armée rwandaise passent la frontière à Kibumba et Kibati. Leur mission officielle est la traque des FDLR. Mais auparavant elles ont un autre objectif à atteindre : neutraliser les trois bataillons demeurés fidèles à Nkunda, dont l’un est composé de démobilisés du Burundi.Lorsque les troupes rwandaises arrivent au Kivu et font leur jonction avec les hommes commandés par le général Numbi, les derniers fidèles des Nkunda comprennent qu’ils n’ont pas le choix : ils rejoignent les forces coalisées et sont immédiatement envoyés en opération.Au même moment, l’armée congolaise, dans le Nord du pays, est engagée dans une opération similaire avec l’armée ougandaise, contre les rebelles de la LRA.
Les conséquences de ce retournement inouï de la donne sont immédiates : signature de la cessation de la guerre, récupération des territoires anciennement sous contrôle du CNDP. Entre temps, les négociations de Nairobi sont « délocalisées » à Goma, la nouvelle direction politique du CNDP ayant déclaré vouloir traiter directement « entre Congolais » avec le gouvernement, sans « interprètes » ; la Monuc et les autres instances internationales sont prises de court, n’ayant pas été « consultées » lors de la prise des décisions. Alors que durant des mois les médiateurs et autres facilitateurs internationaux ont rencontré sans broncher Laurent Nkunda et son chef d’état major Bosco Ntaganda, ils s’avisent soudain que ce dernier est visé par un mandat d’arrêt international et boycottent les réunions où assiste celui qui facilite l’intégration du CNDP dans l’armée et la fin des hostilités; la facilitation internationale se plaint d’avoir été court circuitée et Obasanjo qui se voyait sans doute en place pour plusieurs années proteste jusqu’à New York… Entretemps à Kinshasa, la classe politique se divise et une crise au sein de l’AMP prend des allures inquiétantes à cause des déclarations faites par le Président du Parlement Vital Kamerhe le jour où les troupes rwandaises sont entrées au Congo, il n’accepte pas de ne pas avoir été informé d’une opération qui, pour réussir, devait obligatoirement demeurer secrète.Désireux d’apaiser une opinion échauffée, le Président Kabila informe les responsables des institutions, et, alors que ce n’ est pas dans ses habitudes, rencontre à Kinshasa la presse nationale et internationale, l’informant des tenants et aboutissants du processus en cours…Désireux de faire comprendre la nouvelle donne aux populations de l’Est, violemment hostiles à l’entrée de l’armée rwandaise, le président accorde, en swahilli, une longue interview, au micro de l’Abbé Jean Bosco BAHALA, président des Radios communautaires du Congo,un des acteurs-clé, avec l’Abbé Malu-Malu, du processus de paix.
Depuis lors, les troupes du CNDP sont pratiquement intégrées dans les FARDC, les autres Groupes armés ont décidé de rejoindre sans atermoiement le processus, les troupes rwandaises ont été raccompagnées à la frontière aumilieu d’une foule très chaleureuse, Kabila et Museveni se sont rencontrés à Kassindi, à la frontière entre le Congo et l’Ouganda.Désormais, on n’attend plus que la signature à Goma de l’Accord Global entre le Gouvernement, le CNDP et le Groupes Armés, ainsi que la réouverture de la CEPGL et des Ambassades entre le Rwanda et la RDC. Pour couronner le tout, les Etats-Unis viennent de promettre au Congo une aide impressionnante, qui dépasse de loin les budgets européens…Si le président Obama fait escale à Kinshasa lors d’une prochaine tournée africaine, on peut déjà imaginer l’accueil qui lui sera réservé…

La Monuc s'inquiète de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu

La Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) est préoccupée par la possible détérioration des conditions sécuritaires dans le Nord Kivu, même si pour l'instant la situation demeure calme.
« Ce calme tient à la présence des forces de Nations Unies et des troupes congolaises qui occupent les positions laissées vides par les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), suite à l'opération l'opération militaire conjointe menée contre eux par les armées congolaise et rwandaise », a dit la porte-parole du Secrétaire général, Michèle Montas, lors de son point de presse quotidien, au siège de l'ONU, à New York.
Formés en 2000, les FDLR sont composés d'éléments hutus responsables du génocide rwandais de 1994 et de leurs partisans.
« La MONUC continue à demander aux combattants des FDLR à se joindre volontairement au programme de désarment et de rapatriement » a déclaré la porte-parole.
Dans le même temps, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) indique qu'il devient de plus difficile d'atteindre les nouvelles personnes déplacées dans le Nord Kivu. Une équipe des Nations envoyée sur place pour évaluer les besoins des déplacés a dû abandonner sa mission hier, pour des raisons de sécurité. Ceci s'explique par le fait que les FDLR ont lancé des attaques sporadiques dans cette zone, tuant au passage 20 personnes. Selon le HCR, ces mêmes rebelles visent également les organisations non gouvernementales (ONG) et les convois de secours humanitaires.
Depuis le début de l'année, quelque 160 000 personnes ont été déplacées, portant à plus de 850 000 le nombre total des civils déplacées dans le Nord Kivu.
Au cours de son point de presse, la porte-parole du Secrétaire général a par ailleurs indiqué que la Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé d'ajourner l'audience de confirmation des charges dans l'affaire Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo et de demander au Procureur d'envisager de soumettre à la Chambre un document amendé contenant les charges.
Selon les juges, les éléments de preuve présentés par le Procureur semblent établir qu'un crime différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis. Les juges estiment ainsi que la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés pourrait indiquer un autre type de responsabilité pénale, à savoir celle en tant que chef militaire et supérieur hiérarchique.