Messieurs les Présidents,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Et si vous me le permettez, Chers amis,
L’Histoire est jalonnée de périodes charnières où d’immenses bouleversements ont mis les hommes à l’épreuve. Par faiblesse, les hommes parfois se résignent à leurs malheurs et surtout à leurs démons.Mais chaque fois que les hommes sont convaincus qu’en renonçant ils se condamnent, alors ils trouvent la force de changer leur destin et de construire un avenir meilleur.
Le monde vit aujourd’hui l’une de ces périodes charnières. Nous ne pourrons plus demain refaire ce que nous avons fait hier. Et si l’on ne veut plus souffrir des ravages de la crise économique actuelle, nous devons changer les règles, changer les règles du capitalisme mondial.Si nous voulons écarter la menace du réchauffement climatique qui pèse sur notre avenir, nous devons changer radicalement nos habitudes. Et si nous voulons que les exploités d’aujourd’hui se libèrent demain de leurs chaînes, nous n’avons pas d’autre choix que de bâtir un monde plus juste.
Le monde est à une époque charnière, l’Afrique aussi se trouve à un tournant. L’Afrique, n’est pas un continent à part, détaché des autres, enfermé dans je ne sais quel isolement. L’Afrique doit battre au même rythme que le reste du monde. Et le coeur de l’Afrique, il bat ici, en République démocratique du Congo !Et le Congo, plus encore que les autres Nations d’Afrique, a rendez-vous avec son destin. J’ai bien conscience de la gravité du moment. Et je suis convaincu qu’aujourd’hui, dans cette région d’Afrique centrale, l’heure est venue d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de votre pays.
Mesdames et Messieurs, c’est donc avec une grande émotion et surtout un profond respect que je m’adresse aux Représentants de la Nation congolaise. Je ne vous cacherai pas que c’est pour moi un très grand plaisir. Car je ne suis pas venu saluer un pays comme les autres. Je suis venu saluer un pays que la France porte dans son coeur. Je suis venu saluer un géant, la République Démocratique du Congo !Votre Nation a longtemps été privée de son droit sacré à décider par elle-même, et pour elle-même.
Votre histoire fut celle de la colonisation, avec son cortège d’humiliations et de douleurs. Soumis au joug colonial, vous ne pouviez être maîtres de votre destin.Alors vint la lutte pour l’indépendance, dont vous célébrerez l’année prochaine le 50ème anniversaire. Il y eut des combats violents. Ils firent un martyr, Patrice Lumumba. Vous pensiez alors tenir les rênes de votre avenir.Et ce fut un régime baroque, autoritaire qui les prit. Il faut dire aussi qu’à la faveur, fût-ce pour un temps, d’une économie prospère, il forgea dans le coeur des Zaïrois la conviction qu’ils pouvaient s’élever vers les sommets.Pour autant, le jeu des grandes puissances fit très vite du Zaïre un pion sur l’échiquier de la Guerre Froide. Ce n’était pas votre communauté que vous serviez, mais les puissances étrangères qui se servaient de vous dans le combat entre les deux blocs. Et à nouveau, vos intérêts passaient après, bien après, ceux des autres.
Puis la région sombra dans les ténèbres. Les ténèbres de l’innommable génocide rwandais. Dix longues années de guerres injustes et d’agressions étrangères que nourrissaient des appétits féroces et des haines profondes.Une fois encore, votre Nation semblait malade de l’étranger. Mais il est vrai de dire aussi que des maux intérieurs rongeaient votre Nation, la division entre Congolais, le pillage intérieur, la gabegie. Comme si une immense paralysie l’avait saisi, le Congo ne savait plus réagir.
Les Congolais ont trop souffert et nous ne pouvons plus l’accepter.Votre souveraineté ne peut plus être bafouée, comme elle a été bafouée trop souvent dans le passé. Vos richesses ne peuvent plus être exploitées dans la plus grande illégalité et la division ne doit plus vous opposer. Alors, si l’on refuse le confort du renoncement, il n’y a pas de fatalité. L’heure du Congo doit sonner. Ce doit être l’heure de la réconciliation, l’heure de la reconstruction, l’heure de la renaissance congolaise !La France l’espère, la France l’attend. Elle ne dépend que de vous. Patrice Lumumba l’a dit : « tu feras du Congo une nation libre et heureuse, au centre de cette gigantesque Afrique Noire ».
La force du Congo, c’est son âme et l’âme du Congo, c’est son patriotisme.Quel autre pays présente une telle diversité ethnique, une telle mosaïque de communautés, une telle richesse de cultures et de traditions ? Votre dimension est continentale, c’est une immensité qui fait que chez vous, les hommes vivent éloignés les uns des autres ?Pourtant, en dépit de vos différences, vous êtes unis par le sentiment d’appartenir à une même Nation. A Kisangani, à Goma, à Lubumbashi, du nord au sud, d’est en ouest, vous partagez tous le même amour de votre Patrie. Mais posons-nous la question : cela veut dire quoi, aimer sa Patrie ?
Certains disent que c’est le repli sur soi parce que c’est le meilleur moyen de se protéger. Et certains pensent que l’étranger est le seul responsable de tous leurs maux. Et ils prétendent que pour défendre les intérêts de la Nation, il faut dénoncer les intentions cachées de l’étranger, nécessairement malveillant. Ceux qui disent cela croient servir leur pays. Ils ont tort.Quand on aime sa Patrie, on ne peut que s’ouvrir à l’Autre parce qu’on sait qui on est. Et toute votre histoire démontre que vous êtes un peuple généreux, une terre d’asile et une terre d’accueil. C’est l’histoire de votre pays, c’est l’identité de votre pays. Eh bien ce patriotisme là est une force.
Quand on aime sa Patrie, on est convaincu que l’on doit être le premier acteur de son Histoire. Et quand on aime sa Patrie, on se pose constamment cette question : suis-je en train de servir les intérêts de mon pays ? Et c’est d’autant plus important que vous êtes le géant au coeur de l’Afrique, vous pouvez changer votre pays mais vous devez changer la face de la région toute entière.
La vocation du Congo, je le dis en amis fidèle, n’est pas d’être le maillon faible de l’Afrique centrale ; la vocation du Congo c’est d’être la colonne vertébrale de l’Afrique centrale. La vocation de votre pays n’est pas d’être la source des crises de la région, mais la puissance qui garantit la stabilité de la région.Vous n’avez pas vocation à être un pôle de sous-développement, vous avez vocation à être la locomotive de toute l’économie régionale, Vous n’avez pas vocation à être le grand absent du concert des Nations, vous avez vocation à être un acteur de poids en Afrique, à l’ONU, à l’OMC et dans la Francophonie.
Le Congo doit répondre à toutes les espérances que nous portons en vous !Je ne suis certainement pas venu vous dire ce qu’il faut faire. J’ai d’ailleurs moi-même bien du travail en France ! Je suis venu m’adresser à vous, d’Etat à Etat. L’intérêt de la France, c’est un Congo fort, un Congo uni, un Congo debout. La faiblesse du Congo veut dire l’instabilité de l’Afrique. Et l’instabilité de l’Afrique veut dire l’insécurité de l’Europe. Nos destins sont liés. Vous devez réussir, notre devoir est de vous aider à réussir.
Alors, je n’ignore pas, bien sûr, l’ampleur des obstacles, la puissance des intérêts égoïstes et le prix des sacrifices à payer.Le Général de Gaulle était lumineux lorsqu’il affirmait : « les exigences d’un grand peuple sont à l’échelle de ses malheurs ». Si les Congolais se réconcilient, Si les Congolais dégagent un consensus solide, Si chacun assume sans faux-semblant les responsabilités qui lui incombent, Si chacun privilégie le collectif sur l’individuel, Si tous les dirigeants font preuve de leadership pour s’engager dans l’action, Alors les Congolais pourront s’élever vers les hauteurs de leur horizon commun!Cet horizon, c’est d’abord la consolidation de votre jeune démocratie. Et je tiens à rendre hommage aux institutions élues de votre IIIème République.
Je veux rendre hommage au Président Joseph KABILA. Au terme de la transition démocratique, il a su vous conduire à des élections réussies. Je veux rendre hommage aux Parlements provinciaux, où se dessine l’avenir d’un Congo décentralisé ; Et bien sûr à vous, le Parlement, à vous qui représentez le peuple. La rigueur et la vitalité qui animent vos travaux vous honorent. Vous êtes le poumon de la démocratie congolaise. C’est ici qu’elle respire et qu’elle doit continuer de respirer.
Il y a trois ans à peine, vous avez fait le pari de la démocratie. Ce pari a été réussi. Une graine prometteuse a été semée. Mais parce qu’elle est jeune, votre démocratie reste fragile. Elle doit s’enraciner durablement. Je sais aussi que la construction de vos institutions reste inachevée. Il y aura des élections locales qui doivent se tenir dans des délais raisonnables.Mais la démocratie ne se résume pas aux élections. Pour nous qui sommes les élus du peuple, vous comme moi, nous avons le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous ont fait confiance. Ils nous ont donné une obligation de résultats. Les résultats, c’est un Etat de droit qui protège les libertés individuelles, une administration au service de l’intérêt général, une justice, comme vous l’avez dit, efficace et indépendante. Mais c’est un état d’esprit. Une capacité à écouter et à respecter les autres.Et croyez bien, Monsieur le Président, Cher ami, nous en avons tout autant besoin en France, écouter et respecter les autres, reconnaître que l’on peut avoir tort, dialoguer en permanence. La démocratie, c’est une lourde exigence. Mais qui peut penser que la démocratie se fait en un jour ?Vous avez choisi d’emprunter ce chemin difficile, je suis venu vous dire que vous pourrez toujours compter sur la France. Car pour nous, il n’y a qu’une seule voie pour votre pays : un peuple libre, un peuple souverain, une nation respectée et indépendante.Votre horizon, c’est celui d’une puissance économique.
C’est peu de dire que la nature vous a gâtés. Les richesses abondent sous vos pieds. Vos terres sont si fertiles que je ne connais rien qui ne puisse y pousser. Vos fleuves sont si puissants qu’ils concentrent une ressource d’énergie immense, inépuisable. Le barrage d’Inga, à lui-seul pourrait éclairer l’ensemble du continent africain !En plus d’une nature opulente, vous disposez d’un autre capital précieux : les femmes et les hommes de la nation congolaise, votre peuple, sa jeunesse, son dynamisme. Il n’y a pas à s’étonner que Kinshasa soit la capitale africaine de la culture......